« […] Nous n'étions, en cette heure, que des voyageurs cheminant entre ce que nous avions oublié et ce que nous ignorions, chevaliers pédestres de l'idéal abandonné. Mais c'est en cela même, comme dans le bruit constant des feuilles craquant sous nos pas, et dans le son toujours brusque du vent indécis, que résidait la raison d'être et le but de notre marche – ou de notre arrivée, car ne connaissant ni le chemin ni le pourquoi de ce chemin, nous ne savions si nous partions ou si nous arrivions. Et sans cesse, tout alentour, sans point précis de chute ou même sans chute visible, le bruit des feuilles en lents décombres qui endormait la forêt de sa tristesse. »
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, 386 L.I.